L’appertisation ? Les spécialistes de la conservation des aliments vous l’assureront : c’est aujourd’hui un procédé parfaitement connu et maîtrisé. Un classique du secteur agro-alimentaire, en somme. Pensez : il permet chaque année la production de 80 milliards de boîtes !
Mais si ces conserves nous sont aujourd’hui familières, intégrées à notre environnement quotidien, il fut un temps où elles représentaient une étonnante nouveauté. Il faut se replonger dans le XVIIIe siècle finissant pour mesurer à quel point leur découverte constitua même une vraie révolution. Depuis des siècles, la conservation des aliments reposait sur des techniques traditionnelles : salage, fumage, séchage ou encore confits dans la graisse ou le sucre. Un confiseur, Nicolas Appert, va introduire une rupture radicale en 1795. Dans son atelier d’lvry-sur-Seine, il met au point une nouvelle méthode reposant sur la chaleur et ne nécessitant aucun conservateur.
Étanchéité et stérilisation
Cette technique, qui va bientôt prendre son nom, se décompose en deux étapes. Il faut tout d’abord placer les aliments dans un emballage parfaitement étanche aux liquides et suffisamment imperméable aux gaz. L’inventeur travaille alors sur des récipients en verre. Ce seront bientôt les boîtes en conserve métallique qui démontreront toute leur efficacité en la matière.
Ainsi protégés de toute contamination ultérieure, les aliments connaissent alors la seconde étape de l’appertisation : un traitement par la chaleur à plus de 100°C appelé stérilisation, et qui va détruire ou inhiber totalement les micro-organismes, toxines ou enzymes dont la multiplication aurait pu altérer la denrée.
Des petits pois « de saison » toute l’année
Dans la première moitié du XIXe siècle, la méthode de Nicolas Appert va connaître une très large diffusion, bien au delà des frontières françaises. Le progrès apporté est en effet immense. Non seulement le procédé garantie une sécurité maximale, mais il permet également que le temps n’ait plus prise sur les aliments contenus dans les conserves. Ils peuvent en effet être conservés plusieurs années à température ambiante, et ce tout en gardant intactes leurs qualités nutritionnelles et gustatives.
Le procédé sera maintes fois perfectionné tout au long de ses deux siècles d’existence, tout en restant fidèle aux lignes directrices initiales (emballage étanche, traitement thermique, absence de conservateur). Des filières, dans le secteur des fruits et légumes notamment, vont s’organiser pour profiter au mieux des atouts de l’appertisation. Désormais, leur mise en boîte n’intervient que quelques heures après la récolte, au plus près des zones de culture. Leur teneur en vitamines, qui diminue avec le temps, est ainsi « stabilisée » et préservée jusqu’à l’ouverture de la conserve. Les tomates ou autres petits pois, appertisés à leur parfaite maturité, peuvent ainsi garder le meilleur de leurs qualités, restant « de saison » tout au long de l’année. L’appertisation ou le temps suspendu.