À
l’origine, l’invention de Nicolas Appert
On mesure la portée d’une invention à sa pérennité. De ce point de vue, la découverte d’un nouveau procédé de conservation des aliments en 1795 a assurément constitué une révolution. Pensez : cette méthode, l’appertisation, permet aujourd’hui la production annuelle de quelque 80 milliards de boîtes ! Installé à Ivry-sur-Seine, Nicolas Appert, un confiseur d’origine champenoise en est à l’origine, en cette fin de XVIIIe siècle. Tout part pour lui d’un constat : il est possible de conserver parfaitement des légumes en les déposant dans un récipient hermétiquement clos et en le stérilisant par une cuisson à 100°C.
C’est un tournant majeur dans l’histoire de l’alimentation. L’appertisation va rapidement démontrer ses avantages sur les méthodes traditionnelles de conservation : salage, fumage, séchage, fermentation, confits dans la graisse ou dans le sucre. Bactéries détruites durablement, goût et propriétés des aliments conservés : ses atouts ne manquent pas. A la tête d’une formidable invention, Nicolas Appert ne souhaite pourtant pas la breveter. Il préfère encourager sa libre diffusion, conscient du progrès qu’elle va engendrer pour l’humanité.
La boîte devient également rapidement riche en promesses économiques.
LA BOÎTE DE CONSERVE À LA CONQUÊTE DE LA PLANÈTE
Dans un ouvrage largement diffusé dès 1810, Nicolas Appert décrit son procédé. Sa diffusion franchit rapidement les frontières de la France : Allemagne, Belgique, États-Unis… C’est également le cas en Angleterre où un Français émigré, Pierre Durand, obtient du roi George II un brevet pour une méthode de conservation des aliments. Au lieu du verre, jugé trop fragile et lourd, il décide d’utiliser des emballages en fer étamé. La boîte en métal est née.
Plus pratique, cette boîte s’impose rapidement sur les navires. C’est un progrès considérable pour la santé des équipages : préservant la teneur des produits en vitamine C, l’appertisation fait disparaître le scorbut. La boîte devient également rapidement riche en promesses économiques. En France, la première moitié du XIXe siècle voit les conserveries de sardines se multiplier sur la côte atlantique. Les conserves de viande, de fruits ou de légumes prennent elles aussi, peu à peu, leur essor. De grands noms apparaissent au fil du XIXe siècle : Saupiquet, Cassegrain… Portées par les progrès dans les techniques d’appertisation mais aussi dans la conception des boîtes elles-mêmes, les conserves se diffusent en profondeur à l’échelle de la planète, notamment aux États-Unis ou en Australie
VERS UN PRODUIT DE CONSOMMATION COURANTE
C’est tout un symbole : dès 1898, la Campbell Soup Company vend 500.000 boîtes de ses cinq premières soupes dans l’ensemble des Etats-Unis. Elle a, pour cela, multiplié les publicités dans les tramways. La conserve devient progressivement un produit de consommation de masse.
Dans l’Hexagone, la Première Guerre mondiale va être l’occasion pour de nombreux Français d’expérimenter l’usage de la boîte de conserve. Conscients de l’intérêt d’un tel conditionnement pour ravitailler les soldats, les pouvoirs publics et l’armée vont développer son usage. De même, de nombreuses campagnes encourageront les familles à envoyer quelques boîtes dans les colis expédiés aux proches présents au front. La conserve devient alors, plus qu’un simple produit de consommation, un lien symbolique avec les terroirs français.
Mais c’est surtout au sortir de la Seconde Guerre mondiale que les produits appertisés vont se diffuser massivement au sein de la population française. L’arrivée des soldats américains et de leurs habitudes culturelles sur le sol européen fera en effet de la boîte un produit de consommation courante. Elle est alors porteuse d’une image de modernité, symbole du style de vie américain, le fameux « american way of life ».
La boîte devient également, au fil des années, un objet à part entière, ayant sa valeur propre.
LE RENOUVEAU DE LA BOÎTE
Au fur et à mesure de sa popularisation, la conserve va se doter de nouveaux atouts. Autant d’innovations qui lui permettent de conserver les premiers rangs dans la course à la modernité. La recherche permet ainsi progressivement aux industriels de proposer des boîtes plus pratiques. C’est tout particulièrement le cas en 1973 avec l’apparition du premier fond en acier à ouverture facile. Certaines se dotent également de nouvelles fonctionnalités, les boîtes auto-chauffantes par exemple.
La boîte devient également, au fil des années, un objet à part entière, ayant sa valeur propre. La converse n’est plus alors un simple contenant. Icône du pop-art par l’entremise d’Andy Warhol, elle a vu ses concepteurs apporter progressivement une plus grande importance à son apparence. Il n’est qu’à voir, pour s’en persuader, les nouvelles formes de boîtes qui sont mises sur le marché depuis une trentaine d’années, grâce à l’invention de la technique dite de l’expansion. C’est également à partir du milieu des années 80 que les procédés d’impression s’améliorent, permettant une meilleure qualité de reproduction des décors. Le marketing passe donc désormais par la boîte. Pour preuve, les multiples séries limitées de boîtes de sardines qui célèbrent aujourd’hui de nombreux événements sur leur emballage.